6,4 millions. C’est, selon une estimation du Lancet, le nombre de nouveaux diagnostics de maladies auto-immunes recensés chaque année dans le monde. En 2023, une étude publiée dans Nature Reviews Rheumatology signale une augmentation du nombre de diagnostics de maladies auto-immunes chez des personnes ayant contracté le SARS-CoV-2. Plusieurs équipes de recherche notent aussi une apparition de nouveaux cas, parfois plusieurs mois après l’infection initiale.
Le lien entre COVID-19 et l’activation du système immunitaire soulève des interrogations sur la capacité du virus à déclencher ou aggraver des réactions auto-immunes. Les données disponibles suggèrent que la vaccination réduit l’incidence de ces complications, renforçant l’intérêt pour la prévention.
Comprendre le système immunitaire et les maladies auto-immunes
Le système immunitaire agit comme une vigie, traquant tout agent pathogène qui menace l’équilibre de l’organisme. Composé d’un réseau dense de cellules, dont les lymphocytes, macrophages et cellules souches hématopoïétiques, il fonctionne sur un fil ténu : une surveillance efficace, mais susceptible de déraper. Parfois, ce système se retourne contre son propre camp. Il fabrique alors des auto-anticorps, des protéines qui ciblent les tissus sains. C’est l’engrenage qui mène aux maladies auto-immunes.
La liste de ces affections est longue et leur diversité, frappante. Lupus, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques, syndrome de Guillain-Barré… Toutes résultent d’une rupture de la tolérance immunitaire, ce mécanisme qui d’ordinaire empêche le système immunitaire d’attaquer l’organisme. Les personnes concernées voient leur quotidien bouleversé par des symptômes qui évoluent sans prévenir : fatigue persistante, douleurs articulaires, atteintes cutanées ou troubles digestifs. La nature des manifestations dépend de la cible des auto-anticorps.
Ce désordre immunitaire ne tombe pas du ciel. Plusieurs facteurs pèsent dans la balance : l’hérédité, certaines infections, la composition du microbiote. Les dernières enquêtes épidémiologiques montrent une montée du nombre de cas, avec un impact tangible sur la santé publique. Pour les professionnels, repérer rapidement les signes suspects, interroger les antécédents familiaux et rechercher des auto-anticorps spécifiques oriente le diagnostic et la prise en charge.
Quelques exemples concrets illustrent la diversité des maladies auto-immunes et de leurs symptômes :
| Maladie auto-immune | Organe cible | Symptômes principaux |
|---|---|---|
| Polyarthrite rhumatoïde | Articulations | Douleurs, raideur, inflammation |
| Lupus érythémateux disséminé | Peau, reins, articulations | Fatigue, éruptions, douleurs articulaires |
| Sclérose en plaques | Système nerveux central | Faiblesse musculaire, troubles visuels |
Face à ces maladies, la prise en charge ne se limite pas à la prescription d’un traitement. Elle implique souvent une équipe pluridisciplinaire, un suivi rapproché et un accompagnement individualisé pour adapter les soins à chaque parcours de vie.
Covid-19 : quels liens avec le développement de maladies auto-immunes ?
Depuis le début de la pandémie, la COVID-19 a bouleversé la compréhension des maladies auto-immunes. Sur le terrain, les spécialistes européens et américains constatent une hausse des diagnostics de pathologies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus, dans les mois suivant une infection au covid. Ce constat a poussé la recherche à se pencher sur les mécanismes en jeu.
L’explication scientifique n’est pas unique. L’infection par le SARS-CoV-2 provoque une activation massive du système immunitaire, parfois jusqu’à l’emballement. Ce phénomène, souvent qualifié d’« orage cytokinique », favorise la fabrication d’auto-anticorps inhabituels. Chez certains patients, ces marqueurs persistent même après la guérison, signe d’une perte durable de la tolérance immunitaire, ou du moins d’une fragilisation temporaire.
Des études avancent que le COVID-19 pourrait accélérer la révélation de maladies auto-immunes restées silencieuses chez des personnes déjà prédisposées. Il ne s’agit pas d’une fatalité, mais la vigilance est de mise, notamment chez celles et ceux qui présentent des antécédents familiaux ou des symptômes évocateurs.
Les syndromes post-COVID, marqués par une fatigue persistante, des douleurs articulaires ou des troubles neurologiques, rappellent parfois l’évolution de certaines maladies auto-immunes. La démarcation entre séquelles infectieuses et déclenchement d’un trouble auto-immun reste floue. Les médecins, confrontés à ces cas atypiques, ajustent leurs protocoles. L’immunologie, la biologie moléculaire et l’expérience clinique deviennent alors des alliées précieuses pour affiner le diagnostic.
Risques accrus après une infection par le SARS-CoV-2 : ce que révèlent les études
Les résultats de la recherche sont sans équivoque : le risque de maladies auto-immunes grimpe après une infection par le SARS-CoV-2. Plusieurs cohortes internationales, rassemblant des centaines de milliers de patients atteints de COVID, rapportent une hausse de l’incidence des maladies auto-immunes dans les mois qui suivent l’infection. Polyarthrite rhumatoïde, lupus, sclérodermie systémique : la liste ne cesse de s’allonger.
Une équipe danoise, par exemple, a observé une augmentation de 40 % du risque de maladies auto-immunes dans l’année qui suit une infection par le virus, peu importe le variant en cause. Même le variant Omicron, réputé moins agressif pour le système respiratoire, ne modifie pas cette tendance. Les séquelles prolongées, telles que fatigue, douleurs articulaires ou troubles cognitifs, évoquent parfois des atteintes auto-immunes qui s’installent.
Les patients atteints de formes graves sont particulièrement concernés, surtout après une hospitalisation longue. Mais les formes plus modérées ne garantissent pas une immunité totale contre ces complications. Les chercheurs privilégient plusieurs hypothèses : une stimulation incontrôlée du système immunitaire, la production d’auto-anticorps en excès, une perturbation des cellules responsables de l’immunité innée.
Les bases de données hospitalières révèlent une augmentation des diagnostics de maladies auto-immunes chez des personnes sans antécédents. Les cas de polyarthrite rhumatoïde et de thyroïdite auto-immune sont en tête, mais d’autres syndromes, plus rares, émergent aussi. Des études complémentaires visent à mieux cerner les profils à surveiller et à affiner les recommandations en matière de suivi après une infection.
La vaccination contre le Covid-19, un atout pour limiter les complications auto-immunes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis 2021, la vaccination COVID s’impose comme un rempart solide contre le risque de complications auto-immunes après une infection par le SARS-CoV-2. Les vaccins COVID ARN, massivement utilisés en Europe, ne se contentent pas de prévenir les formes graves. Ils semblent aussi restreindre l’incidence des maladies auto-immunes qui pourraient être déclenchées par le virus.
Pour les patients atteints de maladies auto-immunes, l’enjeu est de taille. Leur système immunitaire, déjà mis à l’épreuve, les expose à davantage de complications en cas de COVID sévère. Les sociétés savantes recommandent de respecter le calendrier vaccinal, y compris sous traitement immunosuppresseur. Les études de cohortes confirment une bonne tolérance, sans recrudescence des poussées auto-immunes après l’injection.
Voici ce que montrent plusieurs analyses sur l’intérêt de la vaccination pour ces patients :
- Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde vaccinés présentent un risque réduit d’hospitalisation pour forme grave.
- On observe une baisse de la formation de nouveaux auto-anticorps suite à la vaccination.
- Les épisodes de syndrome inflammatoire post-infectieux diminuent.
La vaccination COVID agit sur différents fronts : elle réduit la charge virale, tempère les réactions immunitaires excessives et protège indirectement contre les dérives auto-immunes. Les recommandations insistent aussi sur la nécessité de maintenir les gestes barrières, surtout pour ceux qui suivent un traitement immunosuppresseur. Pour ces patients, il peut être judicieux d’adapter le calendrier vaccinal afin d’optimiser la protection.
Le paysage immunitaire post-pandémique ne cesse d’évoluer. L’expérience collective du COVID-19 a rappelé que la vigilance, la recherche et la prévention restent nos meilleures alliées face à l’imprévisible. Demain, qui sait quelle nouvelle interaction entre virus et immunité viendra bouleverser nos certitudes ?

